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Do it Redundant – Quelques réflexions sur l’évolution technique de la plongée souterraine en recycleurs

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Texte et images par Olivier Isler

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Avant – propos.

Cette année 2025 est marquante dans l’histoire du développement de la plongée, car elle fête l’anniversaire des 70 ans du DC 55, utilisé dès sa conception par la marine nationale française.

Le génial  inventeur du concept de fonctionnement de ce recycleur semi-fermé à fuite proportionnelle (passiv – addition  ) fut Jean Dufau-Casanabe. Il travaillait en tant que chimiste pharmacien au G. E.R.S (Underwater Study and Research Group) à Toulon, base de la marine française en Méditerrannée.

Ce chercheur remarquable ne se doutait certainement pas, à l’époque que son invention allait avoir une incidence majeure sur l’évolution de la plongée souterraine.

En ayant été l’un des acteurs, je vais évoquer ci-après ce long cheminement, semé d’embûches, tout en me référant ici ou là à l’excellent article de Tim Blömeke

Un peu d’histoire.

En se retournant vers le passé, il apparaît évident aujourd’hui que l’avènement des recycleurs en plongée souterraine était inéluctable, ne serait-ce qu’au vu des distances et profondeurs atteintes. Une autre raison, rarement évoquée : « une correction des inégalités physiologiques «. En effet, en circuit ouvert, un plongeur d’un grand gabarit était désavantagé par une consommation en mélanges gazeux accrue, handicap gommé par le gain considérable apporté par cette nouvelle technique.

Le STR 80 : un précurseur.

Le premier à s’être intéressé à la notion de redondance fut le célèbre plongeur allemand Jochen Hasenmayer, pionnier de la plongée souterraine en Europe. Il développa en 1980 un concept intéressant nommé STR 80 (Spéléo Twin Rebreather.). Très secret, Hasenmayer n’a semble-t-il jamais révélé une description très précise de son fonctionnement. Une seul témoignage se trouve dans « The Darkness Beckons » (voir références en fin d’article). Son appareil était composé de 2 circuits fermés d’une autonomie de 24 heures chacun ! Un seul sensor O2 (pas très fiables à l’époque) par circuit était compensé par un passage possible en semi-fermé en cas de problème. En dernier recours, un passage en circuit ouvert était envisageable. L’ensemble paraissait intéressant, mais, semble-t-il un peu complexe. Le recours possible au circuit ouvert pour un appareil capable de séjourner près de 2 jours en plongée apparaît quelque peu disproportionné si l’on songe à un grave incident loin de l’entrée d’un siphon.

Ce recycleur redondant effectua plusieurs plongées tests en souterrain, émaillées de plusieurs incidents (ce qui est très normal pour un prototype), selon  un ami qui l’assista à certaines occasions. Au niveau de possibles explorations, aucun compte-rendu fiable n’apparaît. Dans  « The Darkness Beckons «, est relaté l’emploi de son prototype pour prolonger l’exploration de la source de Landenouse de 90 m jusqu’à 88 m de profondeur, à 1240 m de l’entrée. Est évoqué  aussi une plongée d’exception effectuée au Ressel (célèbre siphon français) opérée en STR 80. Cette immersion est  contestée par le propre compte-rendu  d’Hasenmayer . Lui-même dans la description de ses 2 plongées extrêmes dans cette cavité parle clairement de circuit ouvert !? Bref, un mystère entier demeure…

Ce nouveau concept était-il trop précoce, ou peut-être Jochen avait-il quelques doutes sur la fiabilité de son appareil ? Cette hypothèse est rendue plausible par le fait qu’ Hasenmayer effectua ses plongées les plus marquantes (Ressel 1981) et Fontaine de Vaucluse en 1983 (-205 m de profondeur atteinte), en circuit ouvert de grande capacité.

Son STR 80, si innovant et intéressant fut – il ne lui permit donc pas une avancée significative en exploration. Il n’en reste pas moins un indiscutable précurseur.

Le RI 2000.

Genèse de l’idée d’un recycleur.

En 1984, lors d’une exploration de type himalayien à La Doux de Coly (Dordogne, France), la distance de 3100 m   avait été atteinte, et une évidence apparaissait clairement : continuer en circuit ouvert deviendrait si difficile que décision fut prise d’entreprendre une véritable révolution technique par passage au recycleur. Cette résolution fut facilitée par la rencontre d’Alain Ronjat, ingénieur en informatique, lui-même en contact avec un spécialiste des recycleurs de la société française FENZY : Henri Paole.

De l’idée à la réalisation.

Le souhait d’une simplicité d’utilisation et des moyens limités nous orientèrent vers un semi-fermé. Un problème s’est rapidement posé : comment appliquer le principe de fonctionnement du DC 55 à la plongée souterraine ? Un manque de confiance envers les valves de surpression, exigeant un effort inspiratoire et peu fiables à l’époque nous firent opter pour une version électromécanique de la fuite.

A partir de matériel récupéré dans les stocks de la FENZY (sacs respiratoires, injecteurs, soupapes, le cahier des charges suivant fut établi :

5 ans et 5000 h de travail plus tard, le RI 2000 devint opérationnel. Tout ce qui pouvait augmenter la sécurité avait été mis en œuvre (doublement des injecteurs, protection des sacs respiratoires et des parties sensibles, etc).

Quelques éléments :

1 Recycleur ventral à double cartouche de chaux (2 X 2,5 kg), facilement déposable,

2 Vue dorsale du RI 2000 à 2 circuits (2 X3,5 kg de Chaux sodée par canister)

3 Double injecteur

4 sac respiratoire avec protection.

5 Système d’alimentation

Double injecteur.
Sac respiratoire avec protection.
Système d’alimentation

Tests préalables avant plongée souterraine.

23 plongées effectuées en lac jusqu’à 50 m de profondeur. La position des sacs au niveau des épaules pratiquement en équipression  favorisait une très bonne aisance respiratoire. Malgré le poids de l’ensemble (plus de 90 kg), la vitesse de progression était satisfaisante (22 – 25 m/min à la palme).

Concernant la position du plongeur, le ratio de la fuite variait quelque peu : 1/ 10 en horizontal, 1/7 en vertical. Donc ratio moyen de 1/9 environ. Gage supplémentaire de sécurité : une plongée de 4 heures avec simulation d’une panne électronique complète fut effectuée.

  • DEMA
  • Lust 4 Rust Galapagos
  • Extreme Exposure

En souterraine.

Août 1989

Doux de Coly. Plongée jusqu’à 2 km. Plusieurs modifications nécessaires. Préparation insuffisante pour une pointe.

31 décembre 1989.

 Cogol dei Vecci , Oliero Italie. Première réussite : 400 m déroulé. Arrêt sous surface à 2370 m de l’entrée. Aucun problème rencontré.

12 août 1990

Franchissement en première du Ressel, en totale autonomie. Seules bouteilles déposées dans le siphon : Nitrox à – 30m et oxygène à -9 m pour la déco finale de retour.

Ressel. Départ en RI 2000 à triple redondance

Octobre 1990

Franchissement du Cogol dei Vecci de 2375 m de long et 56 m de profondeur.

Doux de Coly 1991

2 plongées en totale autonomie. 

La deuxième immersion a du être écourtée à cause d’une rarissime fuite simultanée des 2 injecteurs du même sac respiratoire, suite à un changement de mélange.

Malgré cet incident, la barrière des 4 km en siphon à une profondeur moyenne de près de 50 m est franchie pour la première fois en plongée souterraine, toujours en totale autonomie, aucune bouteille de sécurité n’étant déposée dans la source.

Doux de Coly 1991

Doux de Coly 1997

6 ans  ont passé. le tragique accident d’un ami à l’entrée d’une source de Sardaigne en 1992 ayant provoqué une totale remise en question sur plusieurs années.

La plongée est un échec. Le fil cassé à de nombreux endroits et une vitesse excessive avec une visibilité dégradée entraine une collision, une lame de roche transperçant l’un des tuyaux du recycleur à plus de 2 km de l’entrée. Le fait de disposer d’une double sécurité lors du retour valide la triple redondance du RI 2000.

Doux de Coly 1998

Plongée difficile, avec beaucoup de rééquipement et un peu de découverte.

Cette ultime plongée marque la fin d’une démarche commencée 14 ans plus tôt.

Doux de Coly 1998. Progression en DPV

Fil d’ariane déroulé à la palme

L’apport du RI 2000 en plongée souterraine

Malgré une carrière  écourtée par la longue interruption évoquée plus haut. Malgré une utilisation très en dessous de son potentiel comme le montre la consommation de la plongée de 1998, le RI 2000 a pu démontrer deux faits importants :

  • Pour la première fois, un recycleur a permis d’atteindre des distances hors de portée des circuits ouverts.
  • La révolution technologique (abandon du circuit ouvert  au profit du  recycleur) a pu être validée par des plongées en totale autonomie.

C’est ce qui restera de ce prototype qui a ouvert de nouveaux horizons.

  • Extreme Exposure
  • Lust 4 Rust
  • Shearwater

Le RB- 80

Conçu postérieurement au RI 2000, le RB 80 a bénéficié des progrès réalisés au niveau de la fiabilité des valves de surpression. Si son aspect est différent, étant logé dans un cylindre, son principe de fonctionnement, entièrement mécanique est identique à celui du célèbre DC 55. L’article  fouilléde  de David Rhea montre le succès du concept en plongée souterraine, souligné par l’apparition de la nouvelle version latérale (SIDEMONT RBK) dont la position a certainement favorisé l’aisance respiratoire.Une belle réussite qui prouve encore que, concernant l’usage de recycleurs semi-fermés, l’idée géniale développée il y a 70 ans par Dufau-Casanabe reste encore parfaitement d’actualité.


Toujours plus loin, toujours plus profond : une évolution irréversible vers la redondance totale en recycleurs ?

J’ai évoqué ici le rôle important joué par les recycleurs semi-fermés dans l’évolution de la plongée souterraine.

Avec les immersions à la fois longues et profondes ( au-dessous de 100 m), on entre dans une dimension où gérer une PPO2 idéale devient déterminant. Le semi-fermé cède irrémédiablement sa place au fermé.

Historiquement, le circuit fermé, plus complexe que le semi-fermé s’est imposé un peu plus tardivement. A partir du célèbre CIS – LUNAR testé par Bill Stone en 1987 à Wakulla, d’autres modèles sont venus s’imposer progressivement à partir des années 2000 . En voici quelques exemples.

 Le KISS, utilisé par Rick Stanton, lui permit de dépasser les terminus de nombreux siphons, souvent bien au-delà des 100 m de profondeur. John Vonlanthen utilisa un INSPIRATION modifié, ainsi que le JOKI, remarquable CCR mis au point par Frederic Badier et construit en petites unités. Avec ce mème recycleur, utilisé en double pour assurer sa redondance, Xavier Meniscus  effectua des plongées extrêmes (233 m de profondeur à 2 km de l’entrée par exemple !). Plus récemment, le LIBERTY,  a prouvé aussi son efficacité. Et j’en oublie certainement, tant de nouveaux modèles apparaissent sur le marché. Une tendance semble actuellement dominer chez les recycleurs : la version SIDEMONT, peu encombrante, souple d’utilisation et utilisable en double pour la redondance.

Car celle-ci devient déterminante. Tim Blömeke évoquait dans son article la difficulté quasi insurmontable à assurer la sécurité de plongées en recycleurs par des dépôts de bouteilles relais à longue distance. En plongée profonde extrême, le problème ne se pose plus. Déposer des bouteilles en sécurité à 200 m de profondeur n’a plus de sens. En plus d’une plongée préparatoire importante s’ajoute une durée d’utilisation très courte à 300 l normobar / min.  et une perte de temps. Ce dernier point est particulièrement déterminant, car la rapidité devient un facteur de sécurité important à de telles profondeurs.

2  plongées extrêmes successives dans la source devenue mondialement célèbre de Font Estramar en France illustrent de manière particulièrement éloquente la validité de la redondance utilisant deux recycleurs identiques. En novembre 2023, Frédérick Swierczynski franchit la barre mythique des 300 m en atteignant 308 m de profondeur. En janvier 2024, Xavier Meniscus pousse le terminus à -312 m.


Nous ne sommes plus ici dans un profil à la Zacaton ou Boesmansgat Le terminus est à 1000 m de l’entrée !

De plus, apparaît un problème nouveau : non seulement l’évaluation du risque selon le modèle WITH / TWIN s’applique pleinement, mais s’y additionne le risque humain. Car, physiologiquement parlant, aucun des deux plongeurs, malgré le parfait déroulement technique de leur plongée n’est sorti sans aucun incident. Frédéric  a rencontré un problème respiratoire  et Xavier un accident vestibulaire traité sur place ! Leur sang-froid les a préservés d’une issue problématique. C’est une autre forme de risque que les plongeurs extrêmes doivent accepter, sachant que la profondeur va très vite devenir un facteur limitant.

  • Area 9
  • Lust 4 Rust

Conclusion

Les plongées lointaines et profondes comportent des risques, c’est indéniable. A chacun de les évaluer au mieux. 

Retiré depuis longtemps de la plongée souterraine, je suis avec admiration l’évolution d’une discipline qui m’a beaucoup apporté et dont la voie de la redondance, que j’ai initiée avec mon prototype est poursuivie par les meilleurs plongeurs actuels. C’est une belle reconnaissance.

Olivier Isler


Additional References

The Darkness Beckons: The History and Development of World Cave Diving by Martyn Farr. Vertebrate Publishing, Sheffield 2017

Victory at Last, by O. Isler and John Simenon, DEEPTECH, October 1998

My Journey to 1010 feet / 308 m by Frédérick Swierczynski, Advanced Diver Magazine, November 2023

DIVE DEEPER

aquaCORPS: Measured Elegance by Olivier Isler, aquaCORPS #7 C2 (1994)

 InDEPTH: The First Helium-based Mix Dives Conducted by Pre-Tech Explorers (1967-1988) by Chris Werner

InDEPTH: When Easy Doesn’t Do It: Dual Rebreathers in Extended-Range Cave Diving by Tim Blömeke (2022)

InDEPTH: Tech Diving in Pop Culture w/Olivier Isler

InDEPTH: The RB80 Semi-closed Rebreather: A Successful Exploration Tool by David Rhea

InDEPTH: Über-deep with Cave Explorer Xavier Méniscus
by Michael Menduno

inDEPTH: Le Grand Bleu Goes Underground
by Cristian Pellegrini

inDEPTH: Omne Trium Perfectum by Axel Schoeller 

InDEPTH: The Quest for Symbiosis: Meet Hydrophilis by Olivier Isler

Né en 1950, Olivier Isler est professeur de biologie. Dès l’âge de 20 ans, il se passionne pour la plongée dans des environnements extrêmes et exigeants. Il s’est intéressé à la plongée souterraine davantage pour le défi technique qu’elle représente que pour les grottes inondées elles-mêmes. Il a exploré plusieurs systèmes de grottes majeurs en France, en Italie et aux îles Canaries, où il a atteint le point le plus éloigné du tunnel Atlantida : le plus long tube de lave sous-marin au monde (environ 1 500 m).

Avec un ingénieur français, il a construit le RI 2000, le premier recycleur entièrement redondant. En utilisant ce système, il est devenu en 1991 le premier plongeur en recycleur à circuit fermé (CCR) à dépasser les 4 000 m lors d’une seule plongée. Il a mis fin à ses explorations en 1998, après une difficile pénétration en solo de seize heures sur plus de 4 300 m.

Fort de ses 25 années d’expérience, il a développé en 2002 un casque de plongée autonome innovant, à faible volume, le XDH. En 2011, il a reçu le Trident d’or de l’Académie Internationale des Sciences et Techniques Sous-Marines à Gênes, en Italie, en hommage à ses 30 ans d’exploration et d’innovation.

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