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L’Hydrophilis ou la quête d’une symbiose
par Olivier Isler. Images reproduites avec l’aimable autorisation de l’auteur. Image principale : L’auteur vole dans l’espace intérieur avec son Hydrophilis.
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Il y a plus d’une quinzaine d’année, j’avais fait un rêve très agréable dans lequel j’évoluais paisiblement au milieu de baleines et de dauphins.
A mon réveil, je m’étais dit qu’un mini scaphandre serait une option à étudier pour rendre ce rêve, peut-être réalisable. L’idée de l’Hydrophilis était née. La réalisation du prototype actuel, troisième version depuis la première ébauche, en 2009 a été testé avec succès en mai 2023, 14 ans plus tard ! Cette année, j’ai encore retravaillé la flottabilité du casque et la forme de la vitre pour optimiser le champ de vision.
Les étapes de la réalisation
Cahier des charges
Scaphandre d’une autonomie maximale d’environ 1 heure et demie, d’un volume minimum et présentant la meilleure pénétration possible dans l’eau.
Choix du prototype
Seule possibilité : réaliser un mini recycleur en circuit fermé (O2 pur), avec possibilité de passage en semi-fermé Nitrox pour des incursions jusqu’à 20 m de profondeur.
Premières recherches
Que ce soit dans l’air ou dans l’eau, le profil idéal offrant une résistance minimale est le profil NACA (National Advisory Committee for Aeronautics ). Tout mon prototype a été réalisé selon cette option. Ayant rencontré un professeur en dynamique des fluides à l’école polytechnique de Lausanne, il m’a indiqué un point fondamental : pour éviter des turbulences lors de l’écoulement, l’angle du cône de fuite doit être inférieur à 18 degrés. Pour ma part, j’ai opté pour 16 degrés (fig 1).
J’ai eu aussi la chance de pouvoir recevoir toutes les informations et le matériel nécessaire dans une entreprise de composite. Ainsi, tout l’Hydrophilis a été réalisé en résine époxy et tissu de fibre de verre.
Chez un tourneur sur bois, j’ai pu ébaucher différentes formes NACA (fig 2, celle qui a permis de réaliser le casque).
Après de nombreux tests et essais, j’ai finalement élaboré une forme satisfaisante, base du recycleur ventral (fig 3), qui, rallongée par la suite pour y inclure la bouteille d’oxygène pur ou de Nitrox a permis d’aboutir à la version définitive.
Le gros problème de la bouteille
Je suis resté bloqué, sans solution satisfaisante, durant 2 longues années : comment placer une bouteille de 1 litre de capacité, de la meilleure manière pour obtenir une hydrodynamique optimale. Finalement et par hasard, j’ai découvert la solution en optant pour une bouteille de Paintball !! Construite en Tchèquie, elle est en Inox enrobé de carbone. Pression de service 300 bars. Elle n’est pas homologuée plongée, mais le spécialiste responsable de sa conception m’a indiqué que son usage sous-marin était parfaitement possible.
Les difficultés de réalisation du casque
Le seul embout de petite taille que j’ai pu obtenir, un GODEL de l’armée française, occupait trop de place. J’ai donc du le modifier. Un technicien m’a fabriqué un adaptateur permettant de le rapprocher au maximum du visage (fig 4), et donc, de diminuer l’encombrement du casque. J’ai eu beaucoup de difficultés à ce que le casque soit dans l’exact prolongement du recycleur ventral.
Description de l’Hydrophilis
Recycleur ventral
Pourquoi ventral ? Pour éviter le dangereux OAP (Oedème Aigu du Poumon), risque présent lors d’une inspiration en légère dépression avec un faux-poumon dorsal.
La vue d’ensemble du ventral (face en contact avec le plongeur, (fig 5)) est montrée avec carénage de protection des organes de l’appareil. Sur la partie arrière, un demi arceau (ici replié). Une fois déplié (fig 6), son extrémité appuie sur le bas des reins, maintenant l’appareil au plus près du corps. Le carénage une fois enlevé (fig 7), on aperçoit en partie supérieure une partie du faux-poumon. D’une capacité d’environ 3 litres, celui-ci dispose d’une paroi médiane séparant gaz expiré-gaz inspiré. 2 bras articulés permettent d’appliquer la partie supérieure du faux poumon autour du cou. En outre, le sac respiratoire occupe au mieux la forme du carénage en résine époxy du recycleur. Sous le capot droit est fixé un injecteur qui se déclenche lorsque le sac respiratoire est suffisamment vidé. La soupape de surpression de la partie gauche, en contact avec le gaz expiré est réglable.
Sous le sac, 2 tuyaux annelés relient le faux-poumon à la cartouche de chaux-sodée, contenant 1185 g de chaux, tout en faisant parie intégrale du carénage. Entre les tuyaux, on aperçoit la bouteille de 1,1 l de capacité. Caché, le premier étage (Scubapro) du détendeur, muni d’un émetteur de pression est relié à l’injecteur du faux poumon par un flexible basse pression.
Le casque
Hydrodynamique, il vient prolonger parfaitement le recycleur.
S’encastre sur le recycleur, avec détrompeur et aimants de liaison. (fig 8).
La visière, obtenue par thermoformage est en plexiglas (PMMA). Son support, articulé au casque et aimanté, s’ouvre pour assurer l’accès à l’embout et au masque.
Combinaison
Apnée 2 mm, sans aucun plomb apparent (frein à la pénétration dans l’eau). Pour le lestage, j’ai réalisé un harnais dorsal (fig 9) et un slip lesté en cordura (fig 10), avec de la grenaille (2 mm) de Tungstène (masse volumique : 18 g/cm3).
Propulsion
Bi-palmes longues ou Monopalme
En plongée
Trente-six plongées réalisées à ce jour. La vitesse obtenue avec peu d’effort est très satisfaisante, surtout en monopalme. A améliorer : la fuite obtenue par expiration ample, assez aléatoire, par réglage de la valve de surpression, en version NItrox, pour des plongées supérieures à 6 m de profondeur. Profondeur testée : 16 m. A travailler…
Autonomie : 60 à 90 minutes suivant l’effort.
Il reste à accumuler les plongées avec cet appareil léger (10 kg) qui me procure pas mal de satisfactions jusqu’ici.
Servira-t-il de modèle pour le futur, impossible à dire, mais c’est un bel exercice de style et une satisfaction d’avoir créé de toute pièce un engin original.
DIVE DEEPER
InDEPTH: Tech Diving in Pop Culture w/Olivier Isler
InDEPTH: The First Helium-based Mix Dives Conducted by Pre-Tech Explorers (1967-1988) by Chris Werner
InDEPTH: When Easy Doesn’t Do It: Dual Rebreathers in Extended-Range Cave Diving by Tim Blömeke
InDEPTH: Electrolung: The First Mixed Gas Rebreather Was Available to Sport Divers in 1968 by Walter Stark
InDEPTH: Diving Beyond 250 Meters: The Deepest Cave Dives Today Compared to the Nineties by Michael menduno and Nuno Gomes
Né en 1950, Olivier Isler est professeur de biologie. Dès l’âge de 20 ans, il se passionne pour la plongée dans des environnements extrêmes et difficiles. Il s’est lancé dans la plongée souterraine plus pour le défi technologique que pour l’attrait des grottes submergées. Il a exploré plusieurs siphons majeurs en France, en Italie et aux îles Canaries, où il a atteint le point le plus éloigné du tunnel de l’Atlantida, le plus long tunnel de lave sous-marin au monde (environ 1 500 m).
Avec un ingénieur français, il met au point le RI 2000, le premier recycleur entièrement redondant. Grâce à ce système, il est le premier plongeur en recycleur à dépasser les 4 000 m de distance en une seule plongée en 1991. Il arrête ses explorations en 1998 après une pénétration particulièrement difficile de 16h en solitaire dans une grotte sur plus de 4 300 m.
Fort de ses 25 années d’expérience, il développe en 2002 un casque de plongée innovant, peu volumineux et autonome, le XDH. En 2011, il reçoit le Trident d’or de l’Académie internationale des sciences et techniques sous-marines à Gênes, en Italie, pour célébrer ses 30 années d’exploration et d’innovation.